Courmayeur - Champex - Chamonix
98kms 5600m de dénivelé en 23h46m15s
Le voilà, le trail de l’année tant attendu est arrivé, après la Capeçone, La Nivolet-revard, Le Faverges-odlo, Les Frahans et le grand trail de Courchevel, c’est enfin l’heure de la CCC. Le fi l rouge de ma première vraie saison de trail. L’aboutissement de nombreuses semaines à arpenter les chemins de ma chère Haute-Savoie.
Jeudi 28 août
Ma copine Laure (également inscrite sur la CCC) et moi-même partons
pour Chamonix accompagnés de ses parents.
Après un petit repas tranquille en terrasse, c’est la première
épreuve : La remise des dossards. Au bout de 50minutes d’attente
nous voilà avec passeport, carte de coureur et le sac à la main…et
là ! Premier rebondissement : On a oublié les 10€ pour la
caution de la puce !!!… Panique à bord ! Ouf la mère de
Laure n’était pas loin et nous dépanne d’un billet
salvateur ! Première épreuve passée !
Nous enchaînons par une petite balade dans Chamonix et nous en profitons
pour aller saluer mon pote David.
La soirée commence par deux plats de pâtes et un coucher de bonne
heure après avoir quand même fait un dernier tour du matériel.
Vendredi 29 août
Debout 6h30 on déjeune de Flap-Jack et c’est parti vers les Bus.
On est en avance, mais le service de bus étant bien organisé nous
en profitons pour aller boire un café avant de prendre le bus à
8h30.
Arrivés à Courmayeur nous passons un bon moment dans les escaliers
du centre des sports où nous profitons de la fraîcheur de la patinoire
et de l’ombre pour faire les derniers préparatifs.
10h50 et c’est la transition vers la ligne de départ. Whaou que
de monde ! Quelle ambiance ! Je commence à ouvrir grands les yeux pour
commencer à graver dans mon disque dur crânien ce qui s’annonce
comme 24h inoubliables.
Laure quant à elle est en pleure en parlant au téléphone
à son père (elle sait qu’il rêvait de courir cette
course mais que malheureusement maintenant ses problèmes de hanches le
condamnent à ne plus pratiquer que du VTT, heureusement elle est là
pour qu’il coure un peu par procuration.)
11h30 c’est parti
J’embrasse Laure et lui souhaite une bonne course, et je commence à
trottiner, j’ai les yeux qui se baladent à Gauche, à droite,
bref je profite… Les rues de Courmayeur, les filles habillées en
habits à clochettes qui sautent à notre passage…
Quelques embouteillages dans les passages étroits mais c’est pas grave, ça fait un bon échauffement avec ces petites pauses dans la foulée.
Ca y est c’est les premiers sentiers et la montée vers Bertone.
Le rythme est cool, je profite beaucoup du paysage en éternel contemplatif que je suis, l’helico qui nous survole nous montre la grandeur de l’évènement.
Bertone 2h13 de course, je ne traîne pas au ravito, tout va pour le mieux,
un petit coup de boisson énergétique et c’est reparti. Nous
attaquons la montée vers la tronche, je profite des ralentissements pour
faire des photos.
Bonatti 4h22 de course, tout va bien, le long du chemin, il y a déjà
des coureurs en difficulté. Je cogite sur le fait que le bien-être
du moment est tout relatif et que personne n’est à l’abri
d’une défaillance quelconque et que malgré l’entraînement
et les plus de 100 000m de dénivelé parcouru depuis le début
du programme d’entraînement, je peux vite virer dans le rouge à
un moment.
Arnuva 5h29 de course, j’ai géré la descente tranquille,
j’en garde toujours sous le pied, je me dit qu’il ne faut pas que
je tombe dans le travers « aller trop vite, trop tôt ».
J’entame la montée vers le grand col ferret, à l’avant
d’un petit groupe de coureur, rythme régulier, je me surprends
à me répéter des paroles de chansons en boucle, je souris
en me disant que les longues courses doivent rendre un peu autiste…
Grand col ferret 7h02 de course, la descente commence en trottinant, je connais
bien le parcours pour l’avoir regardé un million de fois, je sais
que cette descente est suivie d’un long plat descendant et que c’est
là qu’en courant on gagne du temps. Je vais donc à un rythme
de course retenu ; suffisamment pour être plus rapide qu’en marchant
et pas trop vite pour ne pas trop m’abîmer, quand les impactes sont
trop forts dans les jambes je ralentis.
La foully 8h38 de course, je commence à avoir fin, le ravito est super,
il y a un sens de circulation on se marche peu sur les pieds, la file de coureurs
est maintenant suffisamment étendue. Je me fais un plateau repas complet
avec de la soupe, du pain du fromage, du saucisson, des fruits et un café.
Je m’installe dehors et discute en mangeant avec quelques coureurs, mais
je ne traîne pas, je veux pas trop me refroidir et garder cette dynamique
« toujours en avant » qui m’anime depuis le début de
la course. Intérieurement j’ironise sur le fait que mes mauvaises
habitudes de manger trop vite me sont peut-être bénéfiques
sur cette course, mon système digestif est sûrement habitué…
Je prends la direction de Champex en alternant marche/course sur ces parties
de faux-plat. Nous sommes un petit groupe à avoir le même rythme
je fais route avec trois coureurs qui font la course ensemble. Nous nous rapprochons
de Praz de Fort et la nuit commence à tomber, mais comme les personnes
qui m’entourent je retarde au plus le moment de faire une pause pour sortir
la frontale. Praz de fort est très joli, je me dis à ce moment
là qu’il faudra que j’y revienne de jour pour admirer plus
en détails tous ces merveilleux chalets suisses.
On aperçoit Champex au-dessus, ouais ! super à Champex , il y
aura des pâtes ! là, je me dis « Mon pauvre tu as des motivations
bien terre à terre. »
Sur la montée, je suis en tête d’un petit groupe d’un
dizaine de coureurs qui suit mon rythme. Je suis régulier et en arrivant
en haut plusieurs personnes me remercient de leur avoir servi de « donneur
de cadence » pendant cette montée, je suis touché par leurs
remerciements et je me dis que mon expérience de la montagne est une
chance pour ce genre de chose.
Champex 11h22 de course, l’entrée dans la tente ravito est un choc ! Que de monde, je suis pas très à l’aise, Nicolle et Alain les parents de Laure sont là pour m’accueillir, je vais vite m’installer avec eux et essaie d’abstraire tout ce monde autour, je me dis qu’il faut pas que je traîne ici… Alain m’annonce que j’ai fait une belle progression tout au long de ma course et que j’ai constamment gagné des places, j’ai le sourire…Changement de chaussettes , je me faufile dans la foule pour aller chercher de la soupe et des pâtes, la circulation à l’intérieur est affreuse, Je m’attable pour manger mes pâtes trempées dans de la soupe et me fait plaisir en appréciant un yaourt (hum ! sensation de fraîcheur !) Nicolle qui ne sait pas quoi faire pour se rendre utile m’annonce qu’elle vient d’avoir Laure au téléphone qui souffre d’un genou, je compatie à sa douleur en me remémorant le trail de Courchevel où j’avais fait toute la dernière descente avec une jambe tendue. Mais je sais que c’est malgré la douleur elle continuera (sacrée tête de bois cette fille !) et que si elle doit s’arrêter ce sera pour une bonne raison et que ça fait partie des impondérables de ce genre de course, surtout qu’elle a eu une préparation difficile à cause d’une périostite.
Un fois les pâtes englouties et les pieds « renokés »
à l’intérieur de nouvelles chaussettes, je repars, j’ai
hâte de fuir cette fourmilière grouillante et de retrouver les
grands espaces, un dernier salut à Nicolle et Alain que je remercie pour
leurs encouragements, Je transmets à Nicolle des encouragements pour
Laure et je repars dans la nuit en dégustant un café le long du
lac de Champex. Je me prépare psychologiquement pour la montée
de Bovine dont mon pote Laurent qui avait couru l’année dernière
m’avait beaucoup parlé. Seul bémol, j’ai le dos trempé
car j’ai trop rempli ma réserve d’eau…
La montée De Bovine est effectivement plus raide et constituée
de « marches en cailloux » plus ou moins hautes. Je continue à
mon rythme régulier et me retrouve encore à la tête d’un
groupe de coureurs qui s’aligne sur ma cadence. « Quelqu’un
veut passer ? Non, c’est parfait le rythme nous convient ! Ok ! »
Bovine 14h11 de course. Je pense à Laurent et je me dis qu’effectivement
c’est une montée qu’il aurait mieux fallu faire de jour car
les pierres sont glissantes, je me prépare psychologiquement pour la
descente il faut rester concentré car l’année dernière
quand nous étions venus encourager à la Forclaz, nous avions vu
plusieurs coureurs qui avaient chuté dans la descente et s’étaient
fait bien mal.
Je fais donc la descente en marche active et je me dis que j’ai de la
chance d’avoir le pied aguerri à ce type de descente.
Arrivée au col de la Forclaz, c’est désert ! Dire que l’année
dernière nous étions là à encourager avec un petit
groupe de gens et qu’il y avait une ambiance du tonnerre !
Bon le plus dur est fait, j’ai déjà une petite fin et ai
hâte d’arriver à Trient.
Trient, 15h50 de course, en arrivant je passe devant un local où j’aperçois
un grand nombre de coureurs au point médical, certains avec une perfusion
au bras… Oups ça refroidi un peu !!!
Je mange un peu et rempli mes poches de barres de céréales, je
renoke mes pieds et je décide de repartir vite, je ne veux pas m’arrêter
longtemps, ne pas me mettre le doute en tête, il faut rester dans la dynamique
!
Montée vers Catogne, le rythme est toujours bon, les jambes un peu plus
lourdes mais ça va, je suis encore en tête d’un petit groupe
de coureur, décidément toutes les montées se ressemblent
!
Catogne, 17h49 de course. Plus qu’une seule montée, le plus dur
est fait, je suis dans les temps, je calcule rapidement, bon ça devrait
le faire en 24heures si tout va bien…. Dans la descente, mon genou commence
à me faire souffrir, aie ! Je ne veux pas laisser le doute s’installer
et je repense à Courchevel où j’ai fait les 20 derniers
kilomètres avec une douleur bien plus importante que celle-ci. Je ne
veux pas prendre d’anti-inflammatoire tout de suite car j’ai peur
que ça masque trop la douleur et me faire plus mal en ignorant cette
alerte. Heureusement la douleur varie en fonction de l’angle de la pente
et j’arrive à rejoindre Vallorcine sans problème.
Vallorcine 19h04 de course. Je me dis qu’il ne reste plus qu’une
montée et que maintenant plus rien ne peut m’empêcher de
boucler cette course. Je continue à bien m’alimenter et c’est
reparti ! A la sortie du ravito, j’ai des ailes et je me mets à
courir, je me surprends à doubler des groupes de coureurs. Arrivée
au col, il fait enfin jour, des groupes de coureurs se dessinent dans la montée
de la tête au vent, whaou la montée est impressionnante vu du bas
et à l’air interminable ! Je me dis que si j’avais pas tout
ces kilomètres dans les pattes, cette montée m’aurait fait
bien rire ! Je me motive c’est la dernière ! tu vas la gérer
comme les autres !
Et c’est ce qui s’est passé ! Je suis encore suivi par 6
ou 7 coureurs décidément toutes les montées de ce trail
se ressemblent.
Tête au vent, 21h41 de course. J’ai bouclé cette dernière
montée ! Je me dis que plus rien ne peux m’empêcher de rejoindre
Chamonix et en même temps je me raisonne en me disant « attention
pas d’euphorie prématurée, tu as bien géré,
c’est pas le moment de faire une connerie ! »
La flégère, 22h30 de course. Je ne m’arrête pas je
prends juste un coca à la volée, j’ai hâte d’en
finir. Plus que la grande descente sur Chamonix, un panneau indique : Chamonix
2 heures. Je me fixe l’objectif de terminer en moins de 24h. Dans la descente
j’alterne marche et course, avec des passages de course de plus en plus
long. Je cours avec totote01 pendant un bon quart d’heure (je ne prends
pas le temps d’entamer la conversation, je suis déjà un
grand timide et là en plus je suis déjà sur un drôle
de nuage…) Nous rejoignons le bitume, je laisse filer Totote01 et prends
1 minute pour ressortir l’appareil photo du sac, je veux immortaliser
le passage de la ligne d’arrivée.
Chamonix, il y a plein de monde ! beaucoup de monde ! beaucoup d’applaudissements
! J’ai l’impression de courir en suspension 30cm au dessus du sol,
les gens lisent mon dossard et m’encouragent ou me félicitent :
« Bravo Bertrand ! », je filme ce moment en tenant l’appareil
d’une main et les bâtons de l’autre.
Je passe la ligne d’arrivée en 23h46. Quelle sensation, j’ai
les yeux grand ouverts et suis dans un espèce d’état second,
j’ai l’impression à ce moment là qu’il pourrait
se passer n’importe quoi autour de moi, je ne réagirais pas !
Je passe le retrait de la puce, le gilet finisher, le ravito où je prends
une bière bien méritée, mais en fait mon esprit flotte
quelque part au dessus de mon corps, je suis hagard !!!… Je me pose à
l’ombre sur l’herbe, fait le rangement de mon sac avec quelques
gestes mécaniques, le temps que mon cerveau réintègre mon
corps.
Une fois redescendu un peu sur terre je file voir mon pote David qui me félicite
et me donne des nouvelles de Laure qui n’a pas encore passé la
Flégère, mais je suis confiant, si elle est arrivée jusqu’à
la tête au vent elle sera à l’arrivée, même
si elle doit descendre avec un genou en moins quitte à ramper au sol…
David me passe gentiment les clefs de chez lui pour que j’aille prendre
une douche et récupérer avant de redescendre accueillir Laure
qui passera à son tour la ligne au bout de 26h14 de course.
Je rédige ce compte-rendu 5 jours après la course mais, j’ai
encore l’impression d’y être. Il va falloir un petit temps
pour se réadapter à la vie « en dehors de l’UTMB »
…
Je pense que pour les coureurs de mon petit niveau, l’important c’est
la gestion, il faut à mon humble avis bien se connaître, surtout
quand c’est la première fois que l’on coure cette distance.
Les trails de préparation sont aussi important, ils permettent de tester
la résistance générale de nos organismes et de définir
nos limites.
A l’année prochaine sur le grand parcours…
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